Le 20 décembre 2011 a été publiée la proposition de directive  2011/0437 (COD) sur l’attribution des contrats de concession (COM2011_897_fr).

 

Ce projet a essentiellement pour objet de soumettre les concessions de services à des règles formalisées de publicité et de mise en concurrence, alors que de nombreux Etats membres n’appliquent que très sommairement les principes issus du traité (égalité de traitement, transparence, égalité de traitement).

Ce projet est l’occasion de consolider partiellement la jurisprudence de la CJUE, notamment sur des notions telles que l’organisme de droit public ou le in-house.

En cas d’adoption, après d’éventuelles modifications, ce texte ne devrait pas avoir d’impact majeur sur le droit français.

Un commentaire plus approfondi sera proposé ultérieurement. Notons pour le moment quelques beaux sujets de réflexion :

 

1. L’insertion de dispositions relatives au contenu et à l’exécution du contrat.

La durée des concessions devrait être limitée en fonction de l’amortissement financier et du besoin pour le concessionnaire d’assurer une “rémunération raisonnable du capital investi” (v. article 16 du projet).

Cette limitation de la durée vient expliciter une règle qui découle directement du principe d’égalité de traitement, principe qui implique que l’attributaire ne bénéfice pas d’un avantage indu à l’issue de la procédure de publicité et de mise en concurrence. Le droit des aides d’Etat lui-même impose une limitation de la durée des contrats.

La Cour (et les juridictions nationales) pourront effectuer un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur cette durée. Rien ne devrait changer en ce qui concerne le droit français, du moins pour les délégations de service public. Pour les “concessions de travaux public”, il reste au juge administratif à nous indiquer si leur régime est celui des délégations de service public (non quant à la passation, mais quant au contenu ou à l’exécution) ou s’il n’existe plus de régime déterminant le contenu du contrat (notamment en ce qui concerne la durée). De beaux débats en perspective, qui occuperont les juristes qui, décidemment, n’avaient rien d’autre à faire.

Notons que le texte ouvre des perspectives, au moins doctrinales, sur la notion de “juste rémunération” dans les contrats administratifs. Le sujet nous tient à coeur (v. Les délégations d’activités publiques dans l’Union européenne, LGDJ, 2007, p. 738 s) et a fait l’objet de récents développements doctrinaux  (Ziani (Salim), “Les limites conceptuelles et prudentielles à la rentabilité d’un service public délégué”, DA 2011 n°5 p.19).

 

 2.La limitation des possibilités de modification du contrat en cours d’exécution.

Aux termes de l’article 42.1 du projet :

“Une modification substantielle des dispositions d’une concession en cours est considérée, aux fins de la présente directive, comme une nouvelle attribution de concession et nécessite une nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à la présente directive”.

Rien de plus normal à cela.  Cependant l’article 42 pose une délicate question d’interprétation et invite à une pratique nouvelle.

2.1 La possibilité de changer la personne du concessionnaire.

Le paragraphe 3 de l’article 42 prévoit que :

“Le remplacement du concessionnaire est considéré comme une modification substantielle au sens du paragraphe 1.

Cependant, le premier alinéa ne s’applique pas en cas de succession universelle ou partielle du contractant initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, d’une faillite ou en vertu d’une clause contractuelle, assurée par un autre opérateur économique qui remplit les critères de sélection qualitative établis au départ, à  condition que cela n’entraîne pas d’autres modifications substantielles de la concession et ne vise pas à se soustraire à l’application de la présente directive”.

Il relève du bon sens que le contrat puisse être cédé, intégralement ou partiellement. La lecture de cette disposition entretient cependant un doute. La cession entraîne bien “succession universelle”, mais après la virgule le texte semble établir une liste des cas dans lesquelles cette succession est possible: à la suite d’opérations de restructuration, d’une faillite ou d’une clause contractuelle.

2 interprétations sont possibles.

Premièrement, il est possible que le texte prévoit d’une part la succession universelle, et d’autre part les cas de faillite, de restructuration ou de “clause contractuelle”. Dans ce cas la cession est possible.

Deuxièmement, comme nous le pensons, la succession universelle fait l’objet d’une liste exhaustive après la virgule. Dans ce cas la succession universelle par cession correspond au cas d’une “clause contractuelle”. Mais de quelle clause s’agit-il : une clause de la concession permettant la cession, une clause d’un contrat de cession entre cédant et cessionnaire, les deux ?

Comme on le voit, il est nécessaire de produire un certain effort d’interprétation pour faire correspondre le texte de l’article avec son interprétation raisonnable. Ce n’est, pensons-nous, qu’une question de syntaxe qui sera (on peut l’espérer) réglée rapidement.

2.2 La nécessité de prévoir contractuellement les évolutions futures du contrat.

Plus intéressante est la considération suivante, issue des articles 42.4 et 42.5.

Le texte limite les possibilités de modification du contrat à 5 % de sa valeur initiale lorsque la modification peut faire l’objet d’une évaluation monétaire. Ce seuil est très bas.

Le seuil n’est pas contraignant lorsque, aux termes de l’article 42.5 :

“Les modifications de la concession ne sont pas considérées comme substantielles au sens du paragraphe 1 lorsqu’elles ont été prévues dans les documents de concession sous la forme de clauses de réexamen ou d’options claires, précises et univoques. Ces clauses indiquent le champ d’application et la nature des éventuelles modifications ou options ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage. Elles ne permettent pas de modifications ou d’options qui changeraient la nature globale de la concession”.

Se développera donc certainement, y compris dans les Etats de droit latin qui connaissent la souplesse du contrat administratif, la technique du “contrat complet”, qui prévoit ou tente de prévoir toutes les évolutions futures. Il sera nécessaire dans un contrat de distribution d’eau ou de chauffage urbain, d’envisager les cas d’urbanisation future. Jusqu’à présent, il était possible par exemple de définir un territoire. Il n’est pas certain que ce type de clauses suffisent désormais pour permettre la réalisation d’extensions aux réseaux pour desservir de nouveaux usagers.

Seule une pratique longue (à condition que le texte soit adopté et mis en oeuvre dans ces termes) permettra de juger du caractère de complétude nécessaire.

Celà vient en tout cas renforcer le rapprochement entre contrats administratifs et contrats de droit privé (et entre contrats administratifs et contrats de common law)  très justement observé par certains.